A part ça … L’Anti-Chambre

A part ça … L’Anti-Chambre

Mercredi dernier, jour de sidération devenue ordinaire : la Chambre des « représentants » se transforme en grand bac à sable.

Question : si un employé zappe une journée de travail parce qu’il a kayak, il lui arrive quoi ? Sous-question : si un travailleur pointe à la place d’un collègue pour « simuler » la présence de ce dernier au boulot, il leur arrive quoi ? Sous-sous-question : si un ouvrier arrive au travail avec plusieurs heures de retard et sans justification, il se passe quoi ? Poser ces questions, partout ailleurs, c’est y répondre. Mais pas à la Chambre, où aucune faute grave n’est jamais bien grave.

Mercredi dernier, nos députés y avaient donc séance plénière à 10 heures. Ce qui est un peu genre « le » tout gros moment du job pour lequel ils sont payés. D’autant qu’on devait y débattre du budget 2025, ce qui est un chouïa capital en ces temps de 5 % de notre PIB réclamés par l’OTAN pour nous réarmer. Mais certains avaient beaucoup mieux à faire. À tel point qu’après dix heures de réunion (10 heures !), la majorité Arizona n’avait toujours pas réuni le nombre suffisant de députés pour atteindre le quorum obligatoire de 76 parlementaires présents dans ses rangs. Et donc pour entamer les débats. 

On notera que les absents sont bien évidemment les mêmes qui donnent des leçons de « valeur travail » aux fainéants-profiteurs que nous sommes. Il y avait par exemple cette députée N-VA, Darya Safai, qui ce mercredi-là « accompagnait » à Paris son pote ministre de la Défense, Theo Francken, au salon du Bourget. Sans aucune mission concrète. Youssef Handichi, député MR (et ex-PTB, si, si !), était en « rencontre économique » au Maroc. L’Engagé Pierre Kompany, lui, avait football : il était aux États-Unis, où le Bayern de Munich coaché par son fils Vincent participait à la Coupe du Monde des Clubs. Georges-Louis Bouchez était à Charleroi pour une conférence de son ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin. Il arrivera à… 20 heures. Denis Ducarme était là, mais pas tout le temps. Il preste un flexi-job à temps partiel, en quelque sorte.  Et donc quand, enfin, la vérification du quorum intervient (à 21 heures !), Denis les Gros Yeux est toujours en vadrouille. Pas de souci, se dit son compère du MR, Mathieu Michel, qui appuie gaillardement à sa place sur le bouton du siège voisin, celui de Ducarme. Entre « fils de », on se rend des menus services, n’est-ce pas.

Sauf que la manœuvre est frauduleuse. La triche est dénoncée par l’opposition, qui réclame des sanctions à l’égard du fils de Louis/frère de Charles. Le « momentum » est parfait pour son président de parti (qui s’est donc fait attendre… 10 heures). GLB lance – une fois de plus – son lamentable show bouchezien. C’est-à-dire une confiscation totale de la parole. Debout, assis, re-debout, re-assis, il gesticule, invective à la cantonade, beugle comme un hooligan, éructe sur des députés de l’opposition, et finit même par moquer le président N-VA de la Chambre. Sur son perchoir, pris d’une sidération extatique, Peter De Roover ne peut que lâcher : « Le cinéma auquel on assiste est une honte pour ce Parlement. » C’est peu de le dire. La Chambre des représentants n’est plus un lieu de débat. C’est une espèce de réseau social où certains (surtout un certain) s’adonnent à du pugilat verbal hystérique, où règne la seule loi du plus gueulard. Le contraire d’un lieu d’échange démocratique.

Et donc pour sauver ce qui peut l’être, il m’est venu une idée : le Sénat ! Quelques jours avant ce grand bac à sable sous-parlementaire, l’Arizona avait entériné la fermeture prochaine de la « Chambre Haute », jugée superflue, anachronique et coûteuse. Donc voilà : le bâtiment du Sénat sera bientôt libre. Je propose donc une réaffectation des lieux. On y créerait une espèce « Chambre bis » où seraient parqués les députés cancres : chambardeurs, brosseurs et tricheurs. Je lui ai même trouvé un petit nom : « L’Anti-Chambre ». Parce que les députés qui y seraient envoyés pourraient s’y adonner librement au contraire de ce qu’on attend d’eux à la (vraie) Chambre des représentants : respect et écoute. À « L’Anti-Chambre », il n’y aura aucune règle à respecter. Sauf une : GLB aura droit à 95 % du temps de parole.  Mais, comme lui, les autres pourront gueuler, s’injurier, lancer des fake news ou se menacer à l’aise.

À « L’Anti-Chambre », on pourra évidemment truquer les votes, qui seront bien sûr organisés par Mathieu Michel. On ne sera d’ailleurs pas obligé d’assister aux séances plénières si on a BBQ ailleurs. C’est Denis Ducarme qui accordera (facilement) les dispenses. Et qui, lorsqu’il n’aura pas lui-même un dîner avec des amis, tiendra aussi le bar. Où l’alcool sera obligatoire. Bien sûr, quelques transformations seront nécessaires. Question d’instaurer une atmosphère propice, j’ai pensé qu’il serait adéquat de transformer les travées du Sénat en tribune de foot. Déjà, on pourra y accueillir tous les élus du Vlaams Belang qui pourront librement y tenir des propos racistes. On y verra des combats de MMA (Mixed Martial Arts), aussi. Pour avoir de temps à autre l’honneur de la présence de Pierre Kompany, un écran géant diffusera également tous les matchs du Bayern. 

Pour éviter de s’ennuyer, on accueillera également des guest-stars. Comme, par exemple, Didier Reynders qui tiendra un point de vente de la Loterie nationale et donnera ses bons conseils pour maximiser ses chances de gagner à Win For Life. Et il va sans dire qu’à « L’Anti-Chambre », un dress code sera obligatoire : le petit marcel pour montrer ses tatouages. Ou alors un maillot des Francs-Borains.

Vincent Peiffer
Chroniqueur MaTribune.be |  Plus de publications

Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…

ARTICLES APPARENTÉS

Laisser un commentaire

Le trait d'Oli x