Mais quelle mouche a piqué Bruno Colmant ? Le gourou belge de la finance, ex-administrateur d’ING, ex-patron de la Bourse de Bruxelles, docteur en économie, écrivain, conférencier… sans oublier son passage comme directeur de cabinet auprès du ministre belge des Finances, Didier Reynders… Bref, Bruno Colmant, c’est le libéral-type. Le type qui murmure des conseils fiscaux à l’oreille des plus riches… Le type avec lequel, à MaTribune.be, on n’a pas trop envie de discuter… Et puis, boum patatras, voilà que Bruno Colmant, dans ses vieux jours, décide de faire volteface. Désormais, il fustige le néolibéralisme, source de tous les maux… À MaTribune.be, on a voulu comprendre… et il a accepté de nous expliquer. Voilà le résumé de cette rencontre atypique… qui pique parfois…
MaTribune.be : Bruno Colmant, après ce parcours d’excellence dans la finance mondiale, voilà que vous reconnaissez vous être trompé. Et vous avez même des mots assez durs. Vous dites: « ma génération a vécu l’émergence du néolibéralisme. Nous croyions à un monde de prospérité financière… et en fait, c’est un merdier ! »
Bruno Colmant : …Rires…
MaTribune.be : Alors, que s’est-il passé Bruno Colmant ? Avez-vous eu une illumination soudaine, une sorte de grâce marxiste qui vous est tombé dessus ?
Bruno Colmant : Euh, non… ni l’un ni l’autre. En fait, ma formation académique a commencé avec l’émergence du néolibéralisme. J’ai débuté mes études en 1979 au moment où Ronald Reagan allait être élu président des États-Unis. À l’époque, d’ailleurs, on ne parlait pas de néolibéralisme. Mais il est vrai que ce concept a été rapidement adopté par de nombreux économistes. En fait, le néolibéralisme, c’est une théorie très simple et très facile à comprendre puisqu’il se juxtapose à l’économie de marché. L’économie de marché, c’est la courbe de l’offre et de la demande, c’est la base de l’économie. Et donc, on a transposé cette notion de marché de tout et en tout, à l’économie… en partant de l’idée que le marché pourrait surmonter les choix politiques, au motif qu’il était optimal.
Et en fait cette optimalité découle de ce que l’on appelle l’efficience des marchés. C’est un concept très connu en finances, qui consiste à dire que le marché possède toute l’information disponible, toute… et donc, si le marché est efficient, le marché est omniscient… Et si le marché est omniscient, il peut mieux savoir ce qui est bon pour l’économie, bien plus qu’une décision provenant d’hommes politiques. Et donc, on a adhéré à ce principe. On a aussi adhéré au fait que les entreprises, c’étaient des éprouvettes du marché et que finalement, il fallait disqualifier le pouvoir politique. Et, au reste, le pouvoir politique avait aussi dans les années 1970 un petit goût de ruine… Ces années ont été un désastre économique complet avec de l’inflation, du chômage… On avait l’impression qu’on devait changer d’époque. Et donc on a développé ce concept du marché omniscient, intouchable pour les politiques. Je l’ai d’ailleurs enseigné pendant de nombreuses années.
Et puis, il y a eu un élément qui a été déclencheur d’une réflexion personnelle. En 2008, je dirigeais la Bourse de Bruxelles pendant la grande crise (NDLR : la crise des subprimes qui a débuté aux États-Unis et qui s’est transformée en crise financière mondiale). J’étais également à l’époque membre du comité de direction de la Bourse de New-York… Pour manifester contre ce monde spéculatif de la finance, de jeunes gens avaient lancé un mouvement qui s’appellerait deux ans plus tard « Occupy Wall Street ». Ils manifestaient pacifiquement en occupant les trottoirs de Wall Street. Je devais les enjamber pour pouvoir rentrer dans les bureaux de la Bourse. C’était très courageux de leur part. Il faut savoir qu’aux États-Unis, la mise en cause du capitalisme, c’est presque un crime d’État… et manifester devant Wall Street, la statue de Georges Washington… Tout cela était très symbolique. Et donc, cela a induit en moi une réflexion… Et finalement je me suis dit que ce libéralisme, qui a apporté beaucoup de choses positives, comme le progrès technologique, est également socialement profondément injuste. Aujourd’hui, avec Donald Trump, c’est encore plus évident. L’embrasement de ce néolibéralisme, que j’appelle exolibéralisme, en est une forme encore plus dévoyée. Dans ce système, le facteur humain n’intervient pas. Et ce qui m’a aussi ouvert les yeux, c’est que ce système fonctionne bien aux États-Unis parce qu’il met l’humain en vulnérabilité complète. Vous savez, je connais très bien les États-Unis. Ma grand-mère est américaine. J’ai vécu là-bas. J’ai fait un Master en Sciences dans une université américaine… Aux États-Unis, il n’y a aucune protection collective parce que dans la vieille logique protestante calviniste, chacun est face à son destin…
MaTribune.be : Cela veut dire que les forts s’en tirent… mais malheur aux pauvres, malheur aux faibles…
Bruno Colmant : C’est-à-dire que, dans la logique calviniste de la prédestination, si on est incapable de surmonter les aléas de la vie, si on n’est pas capable de montrer qu’on est plus fort, et que chaque jour est un combat qu’on doit gagner… on est abandonné. L’Amérique abandonne ses perdants. À commencer par les soldats du Vietnam qui, quand ils sont rentrés, ont été considérés comme des loosers.
MaTribune.be : Il n’empêche qu’un autre monde est possible que celui-là !
Bruno Colmant : Oui. Et c’est pour ça que j’ai découvert, à titre personnel, les bienfaits de l’État social… En ce sens que si tout le monde est en vulnérabilité sociale, cela veut dire que cela crée d’abord une peur, et d’autre part, cela crée de la violence. Les deux vont ensemble : la violence et les peurs. Et donc, je suis un peu perplexe devant ce qu’il se passe maintenant dans le monde, mais même de ce qu’il se passe en Belgique, car je peux comprendre qu’il y a des gens qui profitent du système de manière indue, éhontée, et j’en connais, il y a des excès incontestables qui doivent être combattus… Mais, en même temps, il faut faire attention à ne pas détricoter l’État social, parce que c’est ça qui a fondé le vivre ensemble de la Belgique, depuis la Seconde Guerre mondiale, depuis 80 ans…
MaTribune.be : Vous pensez que le gouvernement actuel détricote l’État social ? Il est sur la mauvaise voie ?
Bruno Colmant : C’est compliqué. Il y a d’abord le fait que l’État social, en l’état, n’est plus finançable comme il l’était auparavant. Et donc il y a un véritable problème de finances publiques.
Les cotisations sociales ne suffisent plus à payer les dépenses sociales… Le système dysfonctionne parce qu’on n’a pas payé assez de cotisations, parce qu’on n’a pas été prudent, parce qu’on n’a pas tenu compte de la démographie… et donc, il y a une réalité financière incontestable. Cela, on ne peut pas le nier. Maintenant, je pense qu’au motif de contraintes budgétaires, on préfère aujourd’hui diminuer les dépenses sociales au détriment des plus faibles, plutôt que de refonder un pacte fiscal cohérent qui conduit à ce que chacun doive payer sa juste part de l’impôt.
MaTribune.be : Vous dites qu’il faut faire payer les riches, quoi !
Bruno Colmant : Je dis qu’il faut faire payer tout le monde… pas que les riches. Par contre, la taxe sur les plus-values, je l’ai dit partout, elle a raté sa cible. Non, ce que je crois qu’il faut faire maintenant, c’est refonder un pacte fiscal et social. Je sais que c’est compliqué à faire. Mais, si on a réussi à le faire dans les années 60, c’est que ce n’est pas impossible… L’idée, c’est de re-globaliser les revenus de tout le monde. Ensuite, en fonction des revenus globalisés, chacun doit payer des cotisations et recevoir de l’aide de l’État social, s’il en a besoin… Et donc, quelqu’un qui a des revenus très élevés doit cotiser plus mais a droit à moins de bénéfices sociaux que quelqu’un qui en a vraiment besoin. Ici aujourd’hui, on a un système qui est devenu inégalitaire.
MaTribune.be : Vous dites qu’il faut repenser le capitalisme à partir de la sécurité sociale. Mais la sécurité sociale, ce n’est pas le capitalisme qui l’a engendré. C’est la solidarité des travailleurs, ce sont des luttes sociales.
Bruno Colmant : Oui, oui… Je dis simplement qu’il faut juxtaposer les choses. Ce n’est pas l’État social qui va transformer le capitalisme… et ce n’est pas le capitalisme qui va transformer l’État social. En fait, les deux sont les revers de la même pièce. Je pense que le capitalisme est, par essence, inégalitaire. Son but n’est pas d’être égalitaire. Et donc, il faut que l’État s’interpose entre le citoyen, le contribuable et le marché parce qu’il faut absolument redistribuer.
MaTribune.be : Est-ce que cela va se faire sans heurts, sans rapports de force ? Est-ce qu’il suffit de mettre autour d’une table syndicalistes, travailleurs, citoyens, entreprises capitalistes… et de dire : voilà, maintenant, on va répartir ?
Bruno Colmant : J’expose une vision utopique, évidemment. Je vais répondre à votre question par l’absurde en disant : si on ne fait rien, où allons-nous ? C’est tout. On est face à 15 ans de vieillissement de la population qui va devoir être géré respectueusement d’une manière ou d’une autre. C’est un grand défi. Et pour le relever, j’imagine des cénacles de réflexions, hors politique, composés de citoyens, d’experts, d’universitaires qui réfléchissent ensemble à refonder notre système fiscal et parafiscal. Moi, je crois que c’est possible. C’est un travail qui se fera à long terme, mais je pense que ces choix-là, on se les doit à nous-mêmes parce que la fiscalité et l’État social, c’est ce que j’appelle le contrat qu’une nation se signe avec elle-même.
MaTribune.be : Vous évoquez également une forme de sobriété personnelle. On ne doit pas tout acheter et acheter n’importe quoi. On doit résister aux sirènes du marché. N’est-ce pas faire preuve de naïveté, ce type de propos… Il suffirait de ne pas acheter pour être plus riche…
Bruno Colmant : Il faut acheter parce qu’on doit vivre, on doit vivre quotidiennement. Je pense qu’il y a des vertus à une certaine abnégation dans ses comportements individuels… C’est un concept que j’applique moi-même, d’ailleurs. Mais ici, on aborde un autre registre. On est rentré dans une logique, une orgie consumériste qui ne peut avoir aucun moyen d’aboutissement, évidemment.
MaTribune.be : Mais cette société est organisée pour que les gens soient des consommateurs.
Bruno Colmant : Oui…
MaTribune.be : Et donc, il faut en sortir. Est-ce que l’économie capitaliste ce n’est pas justement cela : organiser le marché pour que les gens achètent ?
Bruno Colmant : Mais si. C’est son but. Le but du capitalisme, c’est rendre le capital plus riche. Sinon, cela ne s’appellerait pas capitalisme. Et donc, cela part de l’idée que ce qui compte, c’est l’enrichissement immédiat, au détriment de tout ce qui est externalité… dont la nature, dont les travailleurs. Malheureusement, je pense qu’on va rentrer dans une logique d’exocapitalisme parce que l’intelligence artificielle va amplifier les rendements du capital au détriment de la rémunération du travail.
MaTribune.be : Ne pouvons-nous pas imaginer une prise en mains des marchés par la société, qui fixe des règles et qui, à un moment donné, planifie le marché ?
Bruno Colmant : Non, c’est très compliqué je pense… Aujourd’hui, le marché est non seulement mondialisé mais aussi globalisé. Pour moi, on ne peut pas de manière dirigiste donner des règles au marché qui, par essence, crée sa propre spontanéité.
MaTribune.be : Oui, mais respecter la nature, ne pas dilapider les ressources naturelles, cela doit faire partie des règles…
Bruno Colmant : Oui, vous avez tout à fait raison, mais le problème c’est qu’on ne va pas trouver un deus ex machina qui va un moment bousculer le capitalisme au niveau mondial. Par contre, ce que je crois fort, c’est qu’on doit être capable de mettre en œuvre des actions au niveau local, national, …
MaTribune.be : Aujourd’hui, il y a quand même énormément de jeunes, et d’expériences, qui tournent le dos au marché capitaliste, qui créent des coopératives, qui créent une autre manière d’organiser et le travail et la rémunération et la sécurité sociale… N’est-ce pas là la voie qu’il faudrait suivre ?
Bruno Colmant : Oui… Oui, mais il faut être pratique en même temps. Il faut être pratique. C’est vrai que moi, je crois fort à l’action citoyenne, à l’action individuelle puisqu’elles unissent par capillarité. Vous avez raison dans votre analyse, Marx dit : « Prolétaires de tous pays, unissez-vous ». Qu’est-ce que ça signifie ? D’abord, il part du constat que les gains de productivité sont aspirés par le capital au détriment du travail. C’est toujours le cas maintenant. Mais il poursuit l’analyse en expliquant que le capital étant plus mobile que le travail, sans l’union des prolétaires, il n’y a pas de répondant à un capital qui domine le travail. Et donc, l’analyse marxiste, elle est toujours bonne, hein !
MaTribune.be : Donc vous validez l’analyse marxiste ?
Bruno Colmant : Elle est une grille de lecture inestimable. Je pense que le constat de Marx sur la division du travail et sur le partage des gains de productivité est un concept correct. Marx a écrit cette théorie dans le sillage de la première révolution industrielle, c’était celle de la machine à vapeur. Mais aujourd’hui, on est à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle, d’une ampleur considérable, une révolution qui ne porte pas sur la force physique mais bien sur la capacité cognitive. Cette révolution industrielle liée à l’intelligence artificielle va bouleverser complètement les équilibres sociaux, complètement.
MaTribune.be : Quelle sera la place des syndicats dans ce monde à venir ?
Bruno Colmant : Le rôle des syndicats sera toujours extrêmement important. Pour une raison simple : la logique néolibérale vise à individualiser les travailleurs, les atomiser, pour en faire des électrons, des atomes qui bougent du point A au point B. Et donc, le syndicat vise à agréger les travailleurs pour créer une force de réponse. Et c’est bien pour cela qu’aux États-Unis, les syndicats ont quasiment pratiquement disparu : ils ont été pulvérisés. L’individualisme consumériste a conduit à ce que chacun soit un homo economicus, et plus un homo politicus. Et donc le rôle des syndicats est important, car ils pourraient offrir un cadre de réflexion pour les grands défis à venir. Moi je n’ai pas vu de réflexion quant à l’impact de l’intelligence artificielle sur la configuration future de notre société. C’est un débat crucial pour l’avenir, or il n’est soulevé ni par le politique, ni par les syndicats, ni par le patronat. Comment va-t-on gérer une dépendance d’entreprise belgo-belge ou européenne par rapport à des opérateurs IA qui sont étrangers ? Si on ne réfléchit pas à ces problèmes maintenant, on va devenir un pays, un continent, une région qui va avoir des problèmes de précarité absolument épouvantables. C’est une conviction absolue.
MaTribune.be : Vous reconnaissez l’importance des syndicats, mais êtes-vous syndiqué, vous, Bruno Colmant ?
Bruno Colmant : Non, je ne suis pas syndiqué parce que cela ne s’est jamais présenté. Je suis indépendant… enfin, mon statut social, c’est d’être indépendant. Dans le secteur financier, pour des raisons réglementaires, compliquées à expliquer, on doit être indépendant.
MaTribune.be : Pour des raisons fiscales, peut-être ?
Bruno Colmant : Absolument pas, c’est une question de règlementation. Quand on est responsable bancaire, on doit être indépendant. Non, mais par exemple, j’ai un membre de ma famille qui a eu des soucis en fin de carrière professionnelle. Elle a été fortement aidée par son syndicat. Franchement, cette personne m’a dit : heureusement que le syndicat existe.
MaTribune.be : Aujourd’hui, on a un gouvernement qui s’attaque aux pauvres, aux chômeurs, aux malades de longue durée, présentés comme des profiteurs. Pour ce gouvernement, le terme riches n’existe plus, il parle désormais des épaules les plus larges… qu’il va soumettre à une taxe, mais plutôt réduite…
Bruno Colmant : Cela ne veut rien dire… les épaules les plus larges, c’est un terme qui ne veut rien dire. D’ailleurs, cette taxe sur les plus-values, pour des raisons techniques mais aussi pratiques, je trouve que c’est une très, très mauvaise idée. C’est une taxe symbolique qui n’appréhende pas du tout le problème de la contribution des uns et des autres aux finances de l’État. Et en plus, ça va toucher la classe moyenne et pas les ultra-riches, donc c’est juste à côté de la plaque… En fait, la progressivité de l’impôt s’est uniquement concentrée désormais sur les revenus professionnels.
MaTribune.be : Vous avez pris le Danemark en exemple en expliquant que le gouvernement de ce pays avait nommé un Ambassadeur chargé de discuter avec les Gafam (les 5 plus grandes entreprises technologiques américaines : Google, Apple, Facebook (devenu Meta), Amazon et Microsoft). Pensez-vous qu’il suffira de se mettre autour d’une table pour les faire contribuer au système ?
Bruno Colmant : Écoutez… Il vaut mieux le faire que de ne pas le faire… pour commencer. Ensuite, je pense qu’avec les Gafam, on devrait avoir un dialogue un peu viril. Quand on constate que ces grands distributeurs utilisent les réseaux ferrés, les infrastructures routières, les infrastructures postales… je pense que cela vaudrait la peine de les faire un peu contribuer. Il s’agit de demander des compensations industrielles. On le fait bien dans différents domaines comme dans le domaine aérien avec les F35, hein… Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire dans d’autres domaines. C’est une question de volonté. Moi, je pense que diriger un pays, diriger une société c’est, comme disait Machiavel, mettre la pensée dans l’action. Machiavel a fait des choses épouvantables mais c’était ça son crédo : mettre la pensée dans l’action.
MaTribune.be : Mais notre Premier ministre, il met la pensée dans l’action. Il dit : l’État, c’est comme une entreprise. Il faut faire des économies, donc on va réduire les dépenses…
Bruno Colmant : Mais on ne gère pas un État comme une entreprise. C’est ça le problème. Ça, c’est une imposture complète. Une entreprise, qu’est-ce qu’elle cherche ? Elle cherche le monopole, pour imposer dans un espace de temps ou un espace géographique, ce que l’on appelle son pricing power, sa capacité à imposer des prix. Ça, c’est une entreprise. Un État, lui, doit gérer des valeurs sociales à long terme, comme par exemple l’enseignement, les soins médicaux, etc… donc doit gérer des choses dont le privé ne s’occupe pas. Donc, ce n’est pas la même chose, c’est tout. Et le pire serait qu’on commence à privatiser ce qui est public. Parce qu’alors on arrive dans des systèmes de société à deux vitesses, comme en Angleterre ou aux États-Unis… On en arrive à des systèmes éducatifs qui sont très, très onéreux pour ceux qui veulent une bonne formation académique… et alors on arrive à… C’est un autre monde. Moi, si j’avais vécu dans cet autre monde, je ne serais pas en train de vous parler maintenant. Je n’aurais pas pu faire des études, obtenir un doctorat. J’étais boursier à l’Université. Je n’aurais pas pu tout ça….
Et cela nous ramène à votre première question : pourquoi j’ai évolué dans mon analyse du système capitaliste. C’est parce que je me suis rappelé que j’étais un produit de l’État social.
Propos recueillis par Daniel Nokin, pour MaTribune.be. Juillet 2025