A part ça… Le surhomme

A part ça… Le surhomme

Alors donc David Clarinval travaille 48 heures sur 24 et maîtrise également la téléportation. C’est pour ça qu’il est ministre MR.

Petite popotte interne, mais délicieuse, vous verrez. Un certain Koen Peumans, ci-devant porte-parole « NL » du ministre de l’Emploi et vice-Premier MR, David Clarinval, a fait parvenir à MaTribune.be une « Demande de rectification ». Elle concerne la chronique « À part ça, tout va bien » initialement publiée le 7 mai dernier. Sous le titre « Les experts du travail » (pour ceux qui ne l’auraient pas encore lue, c’est par ici), celle-ci décrivait l’expérience professionnelle hors politique de son bien-aimé patron. En ces termes : « Total ? De ses 23 ans à 49 ans aujourd’hui, David Clarinval n’a exercé que le métier politique. Sans jamais fréquenter le monde du travail, le vrai. Celui dont il parle si volontiers, avec tant de certitudes. Ministre de l’Emploi, il n’a jamais dû postuler pour un emploi. » Ce qui n’a pas plu à David. Du tout.

Et qui, d’après Koen, est « factuellement inexact ».  Dès le matin du 7 mai, notre Ardennais avait d’ailleurs lui-même promptement réagi par un commentaire sur la page Facebook de MaTribune, prétendant que « outre ma carrière politique, que vous tentez de résumer ici, je dispose d’une carrière professionnelle de plus de 20 ans dans le monde des entreprises privées ». C’était donc avant de devenir ministre, en 2019. David m’invitait d’ailleurs à aller vérifier ça sur sa page Linkedln, écrite par lui-même, donc ne souffrant aucune contestation en crédibilité. Je l’ai écrit sur LinkedIn, donc c’est vrai…

MaTribune.be n’a aucune obligation de publier la « Demande de rectification » de mon nouvel ami Koen. Mais comme nous sommes des gens polis, honnêtes et généreux, on va le faire quand même. C’est cadeau ! La voili-voilà : « Il dispose donc d’une expérience professionnelle réelle et significative dans le secteur privé, ce que votre article omet de manière regrettable – et très vraisemblablement délibérée. » Puisqu’on en est à se faire des politesses et que vous êtes sans nul doute adeptes d’une totale transparence, vous permettrez, cher David, cher Koen, que je profite de cet agréable échange pour vous poser l’une ou l’autre question. Des précisions, on va dire.

Je ne doute absolument pas que l’entreprise « Clarinval Constructions » de Bièvre ait, depuis 2005, très volontiers offert au brillant fils de la famille un contrat d’emploi full-options, avec voiture de société, assurance groupe, jacuzzi et siège chauffant. Et qu’avant cela, David, tu bossais ailleurs dans le privé. Attention très important, ne va pas croire que j’insinue que ces emplois étaient un peu olé-olé pour du beurre. Naan ! Peut-être même travaillais-tu comme un baudet chez « Clarinval Constructions » ou ailleurs. Si c’était le cas, j’ai donc ma première question : sachant qu’à 23 ans, donc en 1999, tout frais sorti des études, tu débutais déjà en politique comme attaché parlementaire du groupe MR au Parlement wallon, comment faisais-tu pour cumuler ce job à Namur avec une « expérience professionnelle réelle et significative dans le secteur privé » ? Ceci en étant aussi concomitamment bourgmestre de Bièvre depuis 2000. Ça faisait déjà très beaucoup pour un seul homme, je trouve.

Mais rien en comparaison de ce qui suit. D’où une deuxième question : comment faisais-tu après, de 2007 à 2019 quand tu étais député fédéral, pour être en même temps parlementaire full time à la Chambre et, depuis 2005, employé puis même co-gérant avec ta sœurette et ton frangin de « Clarinval Constructions » ? J’ai vérifié : entre Bièvre et la Rue de la Loi, ça te faisait dans les 135 kms, donc 1h50 de trajet aller. Idem au retour. Tu comprendras que je suis interloqué.

Ah mais si, je sais ! Où avais-je la tête ? Peut-être que « Clarinval Constructions », en plus de construire des bâtiments, a inventé la machine à téléportation. Qui te permettait donc de faire Bièvre-Bruxelles et Bruxelles-Bièvre en un claquement spatio-temporel. Comme j’y crois moyen-moyen, ôte-moi alors d’un doute : comme tu étais à fond les ballons dans le « secteur privé », ne me dis pas que ta carrière de député (et chef de groupe MR à partir de 2017) était une activité de loisir, Dave ? Parce que nous, les citoyens-contribuables, on considère qu’être député est un job sérieux qui se pratique à temps plein, étant donné qu’il impacte nos vies à tous. Si tel était le cas, je suppose que l’implacable gestionnaire des fonds publics que tu es ne verra aucun inconvénient à rembourser les 6.000 boules d’émoluments mensuels que tu aurais indûment perçus pendant douze ans en tant que parlementaire. Ce qui fera dans les 864.000 euros. Merci d’avance.

Ou alors j’ai tout faux. Peut-être es-tu plus simplement le genre de surhomme qui ne dort pas. Et qui donc peut travailler le jour au Parlement et « co-gérer » une entreprise la nuit. Et aussi ta commune durant les repas. Ou mieux : peut-être que contrairement à la piétaille que nous sommes, tu vis 48 heures sur 24. Peut-être que dans les belles forêts de Bièvre, il existe des champignons magiques qui te permettent cet écartement temporel. Peut-être qu’à l’instar de l’aspérule odorante et de l’ail des ours, tu connais des coins secrets où les cueillir. Je ne sais pas ce que c’est exactement, mais visiblement c’est de la bonne. Peux-tu d’ailleurs me rendre un service d’ami ? Tu serais bien binamé de m’en procurer un peu. Comme ça, je pourrai continuer à écrire d’élogieuses chroniques sur toi tout en dirigeant une grosse boîte, en étant maïeur de ma ville et député de mon pays. Et qui sait peut-être qu’un jour Georges-Louis me désignera-t-il ministre MR qui dégagera 180.000 personnes vers les CPAS avec un large sourire tout mamée, qui se foutra du réchauffement climatique et des massacres de Gaza. Tout en restant humain, bien sûr.  

Vincent Peiffer
Chroniqueur MaTribune.be |  Plus de publications

Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…

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