Jeux innocents

Jeux innocents

En faisant mon petit Subito ce matin chez mon marchand de journaux, je regardais la Une des journaux qui s’étalaient sur le comptoir. On y voyait la photo de Didier Reynders avec le sourire coincé d’un carnassier réduit à manger de la purée.

Je découvrais donc que ledit Didier, le matin en allant au boulot, il faisait la même chose que moi. Lotto, Win for Life, Euromillions, grattage ou tirage, il achetait l’espoir d’un gain. Ministre ou prolo, même combat. Sauf que si j’y laissais 2 ou 3 euros, lui y allait par tranches de 500.

Normal bien sûr : ex-vice-premier ministre, ex-commissaire européen, ex-plein de trucs qui rapportaient gros, il a les moyens d’y aller cash. Moi, avec mes barémiques par ailleurs menacées et ma prime de fin d’année de 50 euros en chèques-cadeaux, je suis forcé de cocher petit bras. Les jeux de hasard s’analysent aussi au prisme de la lutte des classes.

Entre Didier et moi, il y avait pourtant une autre différence que le montant des mises. Moi, je jouais pour gagner le montant fantasmé, par exemple 20.000 euros pour 1 misé au Subito. Didier jouait en sachant qu’il allait perdre et que la dure loi des probabilités allait elle aussi jouer, à coup sûr. Les mécanismes de la Loterie nationale (et des jeux de hasard en général) font que vous finissez toujours par gagner, mais bien moins que ce que vous avez misé. En l’espèce, vous récupérez en gros 30 % de vos mises. Mais ces 30 % sont fiscalement exonérés. De l’argent ainsi blanchi par un service public (la Loterie nationale), et ce blanchiment semblait bien être le but de Reynders, du moins selon les commentateurs avisés et les services de contrôle qui ont alerté les autorités compétentes depuis 2022.

Attention évidemment : l’ex-Excellence libérale est présumée innocente de toute fraude. Et effectivement tous ceux qui regardent le dossier considèrent qu’il faut être particulièrement innocent (« trop naïf, niais » nous explique le dictionnaire Le Robert) pour s’embarquer dans un si piètre mécanisme de fraude fiscale. Ministre des Finances pendant douze ans, Didier Reynders, réputé intelligent, n’avait pas vraiment convaincu comme gendarme de la fraude fiscale. En fraudeur fiscal suspecté (relisez « en passionné de jeu de hasard » selon sa défense), il ne convainc toujours pas…

Fabrice Jacquemart
Journaliste, retraité de Form'action André Renard |  Plus de publications

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