« Le vote est notre révolte »

« Le vote est notre révolte »

Les 8 et 9 juin prochains, les Italiens et les Italiennes sont appelés aux urnes dans le cadre de cinq référendums abrogatifs de plusieurs lois qui ont restreint les droits des travailleurs de la péninsule. L’enjeu est de taille car la gauche syndicale appelle à voter massivement « oui » alors que le gouvernement d’extrême droite de Meloni s’emploie férocement à faire échouer les référendums.

Un contexte constitutionnel

En Italie, depuis 1946, la votation citoyenne est prévue dans la Constitution et permet le recours à des référendums locaux ou nationaux. Le référendum abrogatif est le seul à pouvoir être uniquement déclenché par une initiative populaire. Pour ce faire, les comités de citoyens doivent présenter leur demande, entre le 1er janvier et le 30 septembre, pourvue de 500.000 signatures à la Cour de cassation. Une fois l’aval de la Cour constitutionnelle obtenu, le référendum peut se tenir. Toutefois, la loi sera abrogée seulement si une majorité se dégage en faveur du texte et si la participation au référendum atteint les 50 % d’électeurs inscrits. La loi italienne prévoit néanmoins des limites : le référendum ne peut porter que sur l’abrogation totale ou partielle d’une loi (ou d’un acte ayant valeur de loi), sauf ceux concernant le budget de l’État, la Constitution, la fiscalité ou les traités internationaux.

Plusieurs référendums abrogatifs ont déjà eu lieu en Italie. On se souvient de celui de 1974 initié par la Démocratie chrétienne, avec l’ardent soutien du Vatican, en vue d’abroger les lois de 1971 autorisant le divorce. Il fut rejeté à plus de 60 % ! En 1987, à la suite de l’incident de Tchernobyl, un référendum a abouti à la fermeture progressive de tous les réacteurs. En 2011, le Premier ministre Silvio Berlusconi a tenté de relancer le nucléaire : nouveau rejet des Italiens. En revanche, la même année, le peuple italien a voté « non » (à 95 %) par référendum à la privatisation du secteur de l’eau voulue par Berlusconi. « Ce référendum constitue tout autant une victoire contre la marchandisation de l’eau que pour la démocratie participative[1]. »

« Votons oui pour changer l’Italie ! »

Aujourd’hui, la CGIL, le plus grand syndicat interprofessionnel d’Italie, propose une nouvelle votation citoyenne et se mobilise afin d’obtenir le quorum requis qui permettra de valider les cinq référendums qui portent sur l’abolition de plusieurs lois antisociales prises entre 1990 et 2015, notamment par les gouvernements de droite de Silvio Berlusconi. La Cour constitutionnelle italienne a considéré comme valables cinq questions référendaires pour lesquelles une pétition populaire a été lancée en 2024. La pétition a franchi le seuil de recevabilité de 500.000 signatures et en a recueilli 5 millions en tout !

Il s’agit ni plus ni moins que peser sur de grands enjeux de société : le travail, la sécurité, la dignité, la citoyenneté et la démocratie ! Chaque voix va compter car le quorum exige la participation de 50 % du total des inscrits sur les listes électorales, soit près de 25 millions de citoyennes et citoyens ! Ce nombre très élevé rend difficile l’aboutissement des propositions, même une fois approuvées et mises au vote.

Une opportunité historique

C’est une opportunité historique mais il faudra convaincre les très nombreux abstentionnistes qui n’ont pas voté depuis des années de le faire cette fois-ci !

Sachant que 5 millions d’Italiens ayant le droit de vote vivent à l’étranger, la CGIL mène campagne pour les sensibiliser. Son slogan : « Engagez-vous ! Ne laissez personne décider à votre place ! Le vote est notre révolte ! ». Elle peut compter sur la solidarité de la FGTB qui a organisé, le samedi 12 avril dernier au Bois du Cazier (à Charleroi), lieu emblématique de la lutte sociale et de l’immigration italienne, un appel visant à conscientiser les ressortissants italiens de notre pays.

Car en effet, il s’agit de soutenir le OUI aux 5 questions posées par référendum ! En voici une argumentation développée par la CGIL :

Faut-il arrêter les licenciements abusifs ?

Dans les entreprises de plus de 15 salariés, toute personne embauchée après le 7 mars 2015 ne peut pas reprendre son emploi après un le licenciement même déclaré illégal par un juge. À ce jour, plus de 3,5 millions de travailleurs ont été pénalisés par une loi qui empêche leur réintégration.

Faut-il plus de protection pour les travailleurs des petites entreprises ?

Dans les entreprises de moins de 16 salariés, en cas de licenciement abusif, le travailleur peut obtenir une indemnité maximale de six mois, même si un juge a jugé la rupture de la relation de travail infondée. Supprimons cette limite et augmentons les indemnités !

Faut-il réduire le travail précaire ?

En Italie, 2,3 millions de personnes ont des contrats de travail à durée déterminée allant jusqu’à 4 mois sans justifier le travail temporaire. L’obligation de motiver le recours aux contrats à durée déterminée doit être rétablie.

Faut-il plus de sécurité au travail ?

En Italie, on compte plus de 500.000 accidents du travail. Près de 1.000 morts par an ! Modifions les règles actuelles qui, en cas d’accident pendant l’exécution des contrats, empêchent d’étendre la responsabilité à l’entreprise contractante.

Faut-il plus d’intégration avec la citoyenneté italienne ?

C’est le point qui crispe le plus les nationalistes. Le but est de réduire de 10 à 5 les années de résidence légale en Italie nécessaires pour demander la nationalité italienne. Une fois obtenue, elle serait transmise aux enfants mineurs. Ce changement constituerait une avancée décisive pour les 2,5 millions de citoyens d’origine étrangère qui naissent, grandissent, vivent, étudient et travaillent en Italie. Alignons l’Italie sur les grands pays européens qui ont déjà compris comment la promotion des droits, des protections et des opportunités garantit la richesse et la croissance pour tout le pays !

Un enjeu au-delà des frontières italiennes

Qu’on y prête attention : ce qui se passe en Italie est doublement révélateur et représente un précédent conséquent pour tous ceux qui luttent contre le néolibéralisme. Car il s’agit rien moins que d’abolir des lois qui ont été privilégiées partout en Europe sous couvert de restrictions budgétaires. Pour la première fois depuis les crises des dettes publiques au sein de la zone euro (2010-2012), la démonstration pourra être faite « qu’il est possible de faire autrement », que l’inéluctabilité de l’austérité ne saurait être un dogme ! C’est un fameux coin dans l’ordo-libéralisme qui a été infligé aux pays du Sud avant d’être généralisé à l’ensemble des pays européens.

Faire usage du droit de référendum consacré par la Constitution permet une forme directe de consultation citoyenne qui dépasse les clivages politiques classiques. En effet, comme le rappelle Olivier Bonfond, « en permettant aux citoyen·nes de s’impliquer et se positionner sur des enjeux importants, le référendum populaire peut être un outil important de démocratie directe. Au-delà de l’organisation de débats publics et démocratiques, le peuple doit pouvoir directement se prononcer sur une toute une série de questions[2]. »

Ceci explique sans doute pourquoi le gouvernement Meloni fait campagne… pour faire échouer le référendum ! Le parti fasciste Fratelli d’Italia enjoint les Italiens à rester chez eux le jour du scrutin. Et ceci est le deuxième élément révélateur important pour nous qui combattons partout l’extrême droite. La preuve est faite, une fois encore et sous les yeux de toute l’Europe, que l’extrême droite n’est JAMAIS du côté des travailleurs. Cet exemple devrait être déterminant !

Le peuple italien a une lourde responsabilité. Avec ce référendum, il détient une des clés qui permettrait de débloquer les situations inextricables où nous ont conduit les politiques austéritaires de l’Europe. Il appartient au citoyen, singulièrement dans ce cas-ci au travailleur, de se réapproprier le pouvoir de décider ce qui est bon pour lui et pour la société. Changer les règles d’un jeu inégal, revendiquer une nouvelle organisation des droits individuels, ouvrir les cadres de l’identité créent les conditions d’une véritable révolution citoyenne ! Le vote est notre révolte !

APPEL AUX ITALIENS & ITALIENNES DE Belgique

Et à tous les ressortissant·es progressistes de l’Italie

Participez aux référendums de juin 2025 !

Voter OUI aux 5 questions des référendums,

c’est voter OUI à de meilleures conditions de travail pour toutes et tous,

c’est voter OUI au droit du sol contre le droit du sang !

Saisissons cette opportunité de faire reculer à la fois

les INÉGALITÉS au travail et le FASCISME dans la société !

LE VOTE EST NOTRE RÉVOLTE


[1] Olivier Bonfond, Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde, Le Cerisier, 2017.

[2] O. Bonfond, op.cit.

Pierre Vermeire
Rédacteur MaTribune.be |  Plus de publications

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