Les experts du travail

Les experts du travail

Eux, contrairement à d’autres, ils savent ce que c’est la « valeur travail ». Surtout de manière intuitive…

Un grand moment. Un aboutissement, même. On est le 13 avril et David Clarinval est tout binauche. Dans Le Soir, l’eau à la bouche, il se pourlèche : « Au 1er janvier prochain, il y aura 100.000 chômeurs exclus ! » Et le ministre MR de l’Emploi insiste : « On va refaire du travail une valeur centrale de notre société ». Et ça, le travail, il connaît ! Si, j’ai vérifié…

Sa biographie démontre à quel point David maîtrise le concept, depuis 1999 déjà. A 23 ans, tout juste diplômé de l’UCL, le très jeune homme débute en politique comme attaché parlementaire. En 2001, il devient bourgmestre de Bièvre (à 24 ans !). Puis, en 2006, conseiller provincial et chef de groupe MR à la province de Namur. Mais en 2007, la députée fédérale Sabine Laruelle devient ministre. David était son suppléant. Donc obligé : à 31 ans, il va donc « travailler » à la Chambre. Qu’il ne quittera plus jusqu’à ce que le MR en fasse un ministre fédéral (depuis 2019) et son vice-Premier (depuis 2022).

Oui mais, et le travail de terrain ? Quand ce fin connaisseur du dur labeur a-t-il chaussé ses bottillons de chantier ? Patience, j’y viens. Son CV stipule que depuis 2005, il est « actif » dans l’entreprise « Clarinval Constructions ». Le grand fort gaillard serait donc maçon, en quelque sorte ? Pas tout-à-fait. Il est « co-gérant » de ladite société. En vrai, son frère et sa sœur dirigent la boutique familiale. Son travail « de terrain » consiste donc essentiellement à toucher des bénéfices. On ne peut pas tout faire.

Total ? De ses 23 ans à 49 ans aujourd’hui, David Clarinval n’a exercé que le métier politique. Sans jamais fréquenter le monde du travail, le vrai. Celui dont il parle si volontiers, avec tant de certitudes. Ministre de l’Emploi, il n’a jamais dû postuler pour un emploi.

Un peu d’indulgence tout de même pour notre Expert ès Travail, qui ne fait que perpétuer une grande tradition chez nos libéraux de haut vol : faire carrière en politique, et uniquement en politique. Catapulté par papa Louis, Charles Michel était ministre wallon à… 24 ans. Le frangin Mathieu sera conseiller provincial à 21 ans et député provincial six ans plus tard. Denis Ducarme, fils de papa Daniel (ex-président du PRL puis du MR), sera échevin de Thuin à 26 ans et député fédéral à 29 ans. A 51 ans, il l’est toujours. Fille de Jacques, multi-bourgmestre de Jurbise, Jacqueline Galant a 26 ans quand elle se présente aux communales et obtient le deuxième score sur la liste de papa… qui se retire dès le lendemain pour laisser sa place de bourgmestre à fifille. Récemment, une belle carrière de « travailleuse » politique s’est offerte à Eléonore Simonet, fille de Jacques, et ministre fédérale à… 27 ans.

Et puis David, il fait tout bien comme son président, lui aussi très expert en monde du « travail ». A l’intuition, lui aussi. Mais c’est déjà ça. Le très jeune Georges-Louis Bouchez débute en politique à Mons à 20 ans, mais le pauvre n’est pas élu. Alors il fait ses études de droit. Pour devenir avocat. Très peu. Parce qu’en 2009, à 23 ans, il rejoint le cabinet du ministre Didier Reynders, comme « conseiller ».

Question « travail » en vrai, on le croisera (très peu) à l’UNamur où il sera brièvement « assistant » en droit. C’est à peu près tout. En 2012, à 26 ans, il sera échevin à Mons. Puis député wallon et de la FWB en 2014 (suppléant de Jacqueline Galant). En 2016, GLB intègre le Centre Jean Gol, le think tank politique du MR. Puis sera sénateur coopté (donc toujours pas élu) en 2019 avant, la même année, de devenir l’omni-président du MR qu’on sait. De 23 ans à 39 ans aujourd’hui, l’homme qui – petit conseil avisé de bon gestionnaire – épargne la moitié de son salaire (de 18.000 euros) ne connaît que le métier politique. Comme David. Comme tous les autres. Et donc je suis franchement admiratif. Ne jamais avoir mis les paluches dans le cambouis du travail et si parfaitement le connaître, c’est trop fort. Savoir ce qu’est un métier pénible, une période de chômage, une maladie de longue durée, le bon âge pour la pension, les bonus-malus, tout ça sans jamais avoir dû rechercher un emploi, c’est brillant. Je ne sais pas, ces deux-là doivent avoir un don. Ils « ressentent » le travail. Naturellement.

Vincent PEIFFER
Chroniqueur MaTribune.be |  Plus de publications

Aujourd’hui, à 62 ans et après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…

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