
Le président du MR se présente très volontiers comme le digne fils spirituel de Jean Gol. Qui doit se retourner dans sa tombe profanée.
Mais il faudra te le dire comment ? Cré nom de doum de vindjeu, Georges-Louis ! La famille de Jean Gol te dit de lui lâcher la grappe ! Elle ne veut pas que tu utilises son nom et sa figure pour vendre ta petite tambouille trumpienne. Jamais ! Sa fille te l’avait pourtant dit assez clairement l’an passé, quand tu accueillais des « anciens » de la fachosphère sur tes listes électorales. Et que, sur le ton badin des « erreurs de jeunesse », tu comparais leurs parcours dans l’ultra-droite raciste avec celui du jeune Jean Gol, qui avait lui aussi eu des errements en étant d’abord un étudiant « communiste » de l’Université de Liège avant de devenir libéral.
Alors maintenant, pour que ça rentre, tu vas me copier vingt fois ce que Déborah Gol t’avait écrit : « Trente ans après le décès de mon père, il me semble que sa mémoire mérite d’être respectée et laissée en paix. M. Bouchez, qui est un homme supposé intelligent, doit savoir ce que cela aurait eu de choquant pour mon père d’être convoqué pour justifier l’adhésion de candidats d’extrême droite au parti libéral. J’aimerais, en d’autres termes, que M. Bouchez prenne ses responsabilités et cesse d’invoquer le nom de mon père et d’insulter sa mémoire en comparant son parcours à celui de candidats issus d’une mouvance qu’il avait tellement en horreur, notamment en tant que petit-fils de déportés. » Elle te précisait même ceci : « J’ignore si les faits et la nuance ont une quelconque importance pour M. Bouchez mais, à 20 ans, mon père était aux étudiants socialistes et non communistes. Il avait eu précédemment des sympathies, comme de nombreux jeunes dans les années 50, pour ce parti qui comptait dans ses rangs de nombreux anciens résistants. »
Évidemment, tu avais 9 ans quand Jean Gol est décédé en 1995. Donc tu ne peux pas savoir que le père de la dame était un peu autre chose qu’un roquet éructant. C’était un libéral pas tendre, notamment à l’égard des syndicats, et un adepte de la politique d’austérité. Mais c’était un intellectuel et un homme d’État humaniste. Que tu te réclames sans cesse de lui et que tu le convoques comme ton mentor, moi ça me claque de rire. Elle, ça la gonfle profond.
Mais toi tu t’en cales le goujon. Tu continues. Tu confisques les 30 ans de son décès pour un barnum du MR à l’Unif de Liège, où tu pérores sur son « héritage » comme s’il t’appartenait. Alors qu’avec tes bidouilleries népotiques au profit de ta Lucie Chérie et sa sœur (avec de l’argent public), tu peux au mieux te réclamer de l’héritage de Didier Reynders. Vous y fêtiez aussi les 20 ans du « Centre Jean Gol ». Lui-même aurait été atterré que le centre d’études libéral qui porte son nom abrite une flèche négationniste du génocide en cours à Gaza comme Nadia Geerts. Ou que son directeur, Corentin de Salle, en ait fait un laboratoire de propagande et de désinformation du MR sauce ultra-droite, et trouve « injuste » le cordon sanitaire appliqué à l’extrême droite raciste. Il aurait eu honte aussi qu’un Denis Ducarme, au nom du MR, réduise la famine organisée à Gaza à de la « malnutrition ». Et il doit se retourner dans sa sépulture de te voir, lors de cette soirée d’hommage, tailler la bavette avec un type comme ce Nicolas Lejeune, activiste facho du groupuscule « Chez Nous » discrètement « recueilli » par ton MR. Oui, on t’a vu.
Un idiot a profané la tombe de Jean Gol, jeudi dernier. Il ne sait probablement pas, lui non plus, que le « MRde » qu’il a peinturluré sur la pierre tombale n’a plus rien de commun avec le PRL. Ce nigaud ne sait pas plus que toi, semble-t-il, que le Juif qu’il était fut un des premiers à avoir œuvré pour une solution à deux États au Proche-Orient : Israël et la Palestine vivant côte à côte. Et que la reconnaissance d’un État palestinien était donc pour lui une cause juste et une évidence. Il aurait été effaré de voir que, trente ans plus tard, un de ses successeurs – toi – mette encore des conditions chipots et impossibles pour entraver cette reconnaissance immédiate de la Palestine par la Belgique. Alors que l’urgence est là, criante d’horreur.
Après les débordements autour de votre sauterie liégeoise, jamais ton « inspirateur » n’aurait sauté sur l’occasion pour beugler que « la gauche a le monopole de la violence politique ». J’ouvre la parenthèse : venant de toi, qui passe ta vie à agresser les uns et les autres, c’est un peu le camembert qui dit au fromage de Herve « tu pues ». Je ferme la parenthèse. Jamais non plus il n’aurait eu ta dernière piteuse lubie : exiger la « dissolution » du mouvement « Antifa ». (Chouette convergence, dis donc : le Vlaams Belang réclame la même chose depuis 2023.) Et tu sais pourquoi Jean Gol n’aurait jamais voulu ça ? Parce qu’un vrai démocrate ne bâillonne pas l’expression des opinions, même si elles sont contraires aux siennes. Même si elles s’expriment de manière excessive. Et aussi pour une autre raison qui ne va pas te plaire du tout : à sa manière plus ronde, lui-même était un « Antifa ». Oui, mon garçon, il était profondément antifasciste. Il avait la conviction que l’antifascisme est le socle indispensable de toute société démocratique. Pas toi, semble-t-il.
Je te résume donc ce qu’était ton supposé « mentor ». Ça aussi, tu me le copieras vingt fois pour que ça rentre. Jean Gol était un personnage politique qui avait la culture du débat et du dialogue. Et donc le respect de ses contradicteurs. L’ouverture à ses adversaires, aussi. L’homme se battait farouchement pour ses idées libérales, mais sans dénigrer celles des autres. Pour lui, les clivages politiques ou religieux ne pouvaient l’emporter sur la nécessaire recherche d’un consensus. Il défendait la liberté sans vouloir écraser la solidarité. Parce qu’il était respectueux de l’humain dans sa diversité. Surtout, il avait en horreur les provocations stériles, les agressions toxiques, le mépris des autres et leur humiliation. Pile le contraire de toi.
Donc voilà. Tu voudras bien arrêter de jouer les Jean Gol du XXIe siècle. Tu n’en as ni l’envergure, ni l’humanisme, ni la droiture. Si ça peut te faire plaisir, on peut t’appeler le Jean Gogol du Borinage. Tout au plus. Ou même pas. Ce serait un manque de respect pour les Borains.

Vincent Peiffer
Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…