A part ça… Valérie For Life

A part ça… Valérie For Life

La ministre Glatigny a toujours été une fille modèle comme on en rêve chez les « gens bien ». Et chez ces gens-là, Monsieur…

Sûr que la petite Valérie Glatigny, quand elle était écolière à l’Institut Notre-Dame de Marche-en-Famenne, était déjà pimpante, travailleuse, serviable comme un cœur, et toujours polie avec ça. Du « Martine à l’école » mais en Valérie. Après, quand elle a fait philosophie aux Facultés Notre-Dame de la Paix de Namur puis un peu journaliste radio à Must FM, sûr qu’elle était encore bien propre sur elle. Et quand, à 31 ans, elle croisa Louis Michel, le Commissaire européen s’est dit qu’une classieuse jeune femme comme Valérie devait absolument être au MR et même travailler à ses côtés à la Commission européenne. Comme se sont dit Frédérique Ries et Guy Verhofstadt après lui. Quand le fiston Charles Michel la désigna ministre-surprise de l’Enseignement supérieur en 2019, Val ne sortait donc pas de nulle part : c’était déjà une pro de la politique (de coulisses) depuis 16 ans. La petite fille modèle est devenue grande fille modèle. Après, elle est même devenue végétarienne. Et elle se promène toujours avec ses deux border collies. C’est dire si elle fait partie des « gens bien ».

Et chez ces gens-là, Monsieur, on ne se mélange pas. Pas trop, en tout cas. Surtout pas à l’école. Et ça tombe à pic : Valérie, une fille très bien, est revenue aux affaires de l’Éducation après une pause pépin de santé. C’est même elle qui doit faire atterrir le célèbre « Pacte pour un enseignement d’excellence » discuté, concerté, trituré depuis dix ans avec les professionnels de l’enseignement. Qui savent tous que pour donner le maximum de chances et un éventail de choix à tous les élèves (tous !), un « tronc commun » d’apprentissage des savoirs doit être le même pour tous (tous !) de la maternelle à la fin de la troisième secondaire. Avec des matières générales pour tous (tous !) et des matières techniques pour tous (tous !). C’est le socle du Pacte. La base. Et donc la ministre MR allait bien évidemment installer ce tronc commun pratiqué dans tous les pays où l’enseignement est le plus efficace. On va dire que oui mais que non.

D’abord parce que, comme tout ministre, Valérie veut sa flofloche. Imprimer sa marque à elle. Sa « Val touch ». Et comme elle fait partie des gens bien, elle nous a donc étêté le futur tronc commun de sa cime : la troisième secondaire. C’est-à-dire le moment essentiel où les élèves (tous !) fignolent leur choix pour la suite de leur parcours scolaire. Dès cette troisième, ils devront choisir des options « orientantes » de deux fois quatre heures (huit heures par semaine, pas rien). Des options de « transition » (général) ou du « qualifiant » (technique). Résultat ? De fait, dès cette troisième secondaire (et pas en quatrième année comme voulu dans le Pacte), nous aurons des classes « orientées » cours généraux et d’autres « orientées » cours techniques ou professionnels. Les apprentissages seront donc différenciés. Comme avant. Les enfants des « gens bien » continueront donc globalement de ne surtout pas fréquenter les autres, et vice versa. Le déterminisme socioéconomique de l’école est sauvegardé grâce à Valérie. Qui restera donc dans l’Histoire comme la fille bien qui inventa le coït interruptus du tronc commun.

Question accès aux études pour tous (tous !), Val a pu compter sur sa nouvelle copine des Engagés, la ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse, qui est aussi la ministre de l’Enseignement supérieur. Toutes deux ont dû serrer la ceinture budgétaire de quelques crans, sachant que 80 % du budget de la FWB est dédié à l’enseignement. Que faire ? Facile : augmenter le minerval des étudiants du supérieur ! Et pas d’une rawette : de 835 euros à 1.194 euros par an. Donc 359 boules de plus ! Donc près de 800 de plus quand on a le malheur d’avoir deux enfants à l’unif ou en école supérieure. Plus les kots ! Attention, Elisabeth, qui est issue du parti « de la famille », rassure : des bourses seront encore octroyées et des minervals réduits seront appliqués aux étudiants de « condition modeste ». Mais pas à ceux issus de la classe (de plus en plus) moyenne. Ceux-là seront instamment priés de dégotter un job d’étudiant pour compléter. Elisabeth aurait pu proposer un système calqué sur celui des crèches : un minerval calculé sur base des revenus nets des ménages. Mais non, là, ça aurait chagriné les « gens bien » chers au MR de Valérie, qui auraient pu y voir une forme de discrimination. Or il faut rester « égalitaire », n’est-ce pas. Toujours.

Pour peaufiner le travail budgétaire, Valérie a encore pensé à une dernière mesure d’économie assez essentielle pour les finances de la Fédération Wallonie-Bruxelles : supprimer la gratuité du matériel scolaire de base durant les trois premières années du primaire. Finis donc les crayons, gommes, stylos ou cahiers pour tous. Une « économie » un peu minable, certes, puisqu’elle coûtait 20 millions par an pour les 2.000 écoles primaires de la Fédé (donc en moyenne 10.000 euros par école par an, 100 euros par gosse). Mais voilà, les petits ruisseaux des restrictions sur l’éducation font les grandes rivières budgétaires. D’ailleurs Valoche, avec le côté inclusif qui la caractérise, garantit que des fournitures scolaires seront encore données aux écoliers de familles précarisées, et ce jusqu’en sixième primaire. C’est juste que maintenant il faudra le demander. Et le justifier. La difficulté d’être pauvre ne suffisait pas. Il fallait aussi y ajouter la honte de le montrer aux copains. Ou aux parents de quémander des crayons et un bloc de feuilles à la direction ou aux instits qui n’ont bien sûr que ça à faire : décider qui y a droit. Ou pas.

Pour éviter ça, j’ai pensé à une initiative qui pourrait aider notre ministre de l’Éducation. Une opération sur le « modèle » de Viva For Life. Ça s’appellerait « Valérie For Life ». Chaque année avant la rentrée, Valoche s’enfermerait une semaine dans le cube avec ses chiens et d’autres stars politiques du MR, genre Julie Taton qui pourrait aussi faire animatrice sur l’antenne de Vivacité. Les gens viendraient y déposer des crayons et des cahiers pour les écoliers défavorisés. Il y aurait aussi tout plein de généreux sponsors comme Caran d’Ache, Bic ou Pelikan qui feraient des dons. Après, à la rentrée, des dames patronnesses iraient installer des petits stands dans les écoles pour distribuer leur récolte : « Oh, Kevin, ta maman solo n’arrive pas à payer tes fournitures ? Ce n’est pas grave. Tiens, voilà un Bic quatre couleurs, un stylo à encre, deux cahiers Pikachu et en plus ton entrée pour l’excursion scolaire au Monde Sauvage d’Aywaille. T’es content ? Vous voyez, les autres enfants pas pauvres, maintenant Kevin est comme vous ! Grâce à Valérie For Life ! » Et ces généreuses dames patronnesses auraient encore davantage le sentiment de faire partie des gens bien.

Vincent Peiffer
Chroniqueur MaTribune.be |  Plus de publications

Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…

ARTICLES APPARENTÉS

Laisser un commentaire

Le trait d'Oli x