La crise écologique est une crise sociale (2/3)

La crise écologique est une crise sociale (2/3)

Contenir le réchauffement bien en dessous de 2°C, et si possible à 1,5°C, par rapport à l’ère préindustrielle, comme le prévoit l’accord de Paris de 2015 ? Si ce défi n’est pas relevé, ce ne sera pas la fin du monde mais ce sera la fin d’un monde, avec des conséquences catastrophiques sur tous les écosystèmes et sur les conditions de vie de toutes les espèces vivantes, dont l’être humain. Petit tour des enjeux.

Sommaire :

Partie 1

  1. Des (non-)réponses clairement insuffisantes
  2. L’investissement public pour placer l’intérêt général avant le profit
  3. Des ressources inestimables

Partie 2

  1. Sauve qui peut !
  2. Mais pas dans le même bateau…
  3. La bataille ne fait que commencer
  4. Et elle sera internationale

Partie 3

  1. Le capitalisme au cœur de la crise écologique
  2. Marxisme et double exploitation
  3. Le travail est un enjeu de la lutte écologique
  4. Une stratégie viable ?

1. Sauve qui peut !

Il y a deux moyens pour les travailleurs de se réapproprier les questions environnementales sous un angle radical : une approche en termes d’inégalités et une approche par l’exploitation.

La réflexion stratégique autour des « inégalités environnementales » peut être un moyen efficace de se saisir des questions environnementales et climatiques et de concevoir une convergence des luttes entre écologie et travail. Elle consiste à rappeler, autant que nécessaire, que la crise écologique renforce les inégalités sociales préexistantes et en crée de nouvelles[1].

D’une part, l’émission de gaz à effet de serre est fortement liée au niveau de vie. Selon un rapport de l’ONG Oxfam de novembre 2023, publié en amont de la COP28 de Dubaï, « 1 % des personnes les plus riches de l’humanité sont responsables de plus d’émissions de CO₂ que 66 % des plus pauvres », par leur mode de vie et leurs investissement polluants. Cette « élite des pollueurs » est composée de 77 millions de personnes – les plus aisées du monde – qui est responsable de 16 % du total des émissions de gaz à effet de serre en 2019.

Les ultrariches sont donc les plus grands contributeurs individuels à la crise écologique. Ce n’est pourtant pas la population qui est la plus touchée par le bouleversement climatique, ses finances lui permettant de se mettre à l’abri de ses effets.

2. Mais pas dans le même bateau…

D’autre part, ce sont les groupes les plus vulnérables qui risquent de ressentir le plus les effets du changement climatique. Les conséquences d’une politique climatique forte se feront également ressentir de manière inégale. Une voiture moins polluante est plus chère qu’un modèle d’occasion plus ancien (et plus polluant). Les logements sociaux sont trop rarement des logements « basse énergie » ce qui entraîne de manière immédiate des frais disproportionnés pour les personnes qui les occupent.

Les inondations de juillet 2021 ont ainsi frappé deux fois plus durement les personnes les plus vulnérables. Car c’est évidemment beaucoup plus difficile pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’assurer correctement. Ou qui ne peuvent pas compter sur un réseau solide en cas de coup dur. Il est aussi démontré que les personnes qui occupent les logements des zones inondées sont principalement des personnes en plus grande précarité (puisque les logements y sont moins chers).

3. La bataille ne fait que commencer

La crise écologique ne réduit pas les antagonismes socioéconomiques sous prétexte que nous serions tous dans le même bateau, car rien n’est moins vrai !

La nature devient alors un « champ de bataille » pour reprendre les termes du politologue Razmig Keucheyan[1]. Selon lui, face aux inégalités environnementales, le capitalisme a répondu selon deux axes.

Le premier a consisté à financiariser la nature en développant la valeur assurantielle des risques naturels, avec comme principal client les États pour prendre en charge les coûts liés au dérèglement climatique.

Le second axe a porté sur la militarisation de la crise écologique. Sans constituer une nouvelle menace, les changements climatiques en cours renforcent les menaces déjà existantes parce qu’ils raréfient les ressources et multiplient les catastrophes qui poussent les populations sur les routes de l’exil. L’accès à l’eau (potable) est un exemple frappant et dramatique qui a, de longue date, été à la source de nombreuses guerres. Et la situation empire.

4. Et elle sera internationale

Cette inégalité n’est pas simplement une affaire qui opposerait pays riches et pays pauvres puisqu’il y a de gros émetteurs parmi les pays à revenus faibles ou moyens, tout comme de petits émetteurs dans les pays riches. L’ampleur de ces inégalités conduit à penser que les politiques climatiques devraient davantage cibler les pollueurs aisés.

Or jusqu’à présent ces politiques (par exemple les taxes carbone) ont souvent frappé de manière disproportionnée les catégories à revenus faibles ou moyens, sans faire évoluer les habitudes de consommation des catégories les plus fortunées…


[1] Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, Éditions Zones, 2014.


[1] Pour plus d’informations, voir le dossier « Inégalités environnementales – Ni fin du mois, ni fin du monde » de Politique, revue belge d’analyse et de débat (n°114, décembre 2020, www.revuepolitique.be/ revue/inegalites-environnementales).

Plus de publications

ARTICLES APPARENTÉS

Laisser un commentaire

Le trait d'Oli x