L’accord de Pâques entérine encore davantage le tournant libéral-autoritaire du gouvernement fédéral Arizona (N-VA, MR, Les Engagés, Vooruit, CD&V). Espérons pour lui que la mort du Pape ne soit pas oiseau de mauvais augure.
Cet accord, conclu le 11 avril 2025, concrétise une série de mesures principalement socioéconomiques annoncées dans l’accord de coalition fédérale de février, dont la limitation des allocations de chômage à deux ans à partir du 1er janvier 2026, une indexation forfaitaire des pensions des hauts fonctionnaires et un plafonnement doublé de la réduction structurelle des cotisations patronales de sécurité sociale.
1. Bientôt la charité contre le salaire brut ?
Il existe plusieurs paradoxes dans les politiques austéritaires, justifiées par la nécessité de réduire le déficit budgétaire et la dette. Parmi ceux-ci, retenons celui qui consiste à réduire les charges patronales, donc à diminuer les recettes de l’État, et donc à aggraver le déficit et la dette. La théorie affirme que ces réductions de cotisations vont créer de nouveaux emplois, suivis par de nouvelles cotisations et de nouvelles recettes, mais la réalité a quasiment toujours démenti ce postulat. Une fois de plus, la dette est un instrument politique au service d’une idéologie qui s’indigne de certaines recettes/dépenses – celles qui lui semblent immorales –, non concernant d’autres – celles qu’elle juge légitimes.
Au nom d’une prétendue incitation à l’embauche (qui reste à attester) et d’une glorification du travail (qui est de plus en plus un règne du flexi-job, voire du job étudiant, dans une société de la commande, de la livraison et du précariat), le gouvernement Arizona souhaite réduire les charges patronales sans augmenter les salaires bruts les plus bas. Le leurre consiste dans l’augmentation du salaire net par la réduction des cotisations patronales (car, rappelons-le, ce sont des « cotisations », non des « charges »).
Or, le salaire brut participe au salaire du travailleur[1], en tant qu’il est l’instrument d’une redistribution collective et d’une cotisation. Cette redistribution et cette cotisation servent bel et bien le travailleur (ne serait-ce que pour les pensions collectives, pour les soins de santé dont il devra un jour bénéficier et pour les services dont il jouit de moins en moins gratuitement). Ce travailleur n’est en rien « volé » par cette assurance sociale, contrairement à ce que lui inculque l’idéologie libérale régnante. Les grands perdants sont finalement les services et les finances publiques et, plus encore, la dette qui n’est en rien comblée. Que du contraire.
2. Sanctifier l’aide aux entreprises
Dans le même temps, la plupart des grandes entreprises bénéficient encore d’incitants financiers, de subsides (au nom de l’innovation), de retombées grâce à la recherche publique, de déductions fiscales en tout genre. Ce système d’un État au service des entreprises, couplé à la stigmatisation croissante des allocataires sociaux, marque un tournant dans l’histoire sociale (ou du moins un retour du capitalisme le plus dur). Reverra-t-on bientôt apparaître l’iconographie du patron oisif en parasite, aux poches débordantes de billets ?
Le discours sur l’« assistanat » mérite bien d’être nuancé, voire retourné : le patronat continuera de s’appuyer sur un État qui se met à son service, tandis que les CPAS et les travailleurs sans emploi se débrouilleront comme ils le pourront.
3. Retraités dans la pauvreté, l’ascèse et le silence ?
La destruction en règle du droit à une pension digne devrait nécessairement unir travailleurs, pensionnés, allocataires, fonctionnaires et autres précarisés – pardon, nous voulions dire « privilégiés » – au nom d’une lutte sociale qui doit impérativement être réactivée.
Le remise en cause de l’indexation de certaines pensions, dont celles des hauts fonctionnaires ou des professeurs d’université, ouvre la voie à une remise en question du principe même de l’index, qui concerne autant les bas que les hauts revenus, les petites que les plus hautes pensions. Il y a un réel danger de voir ce type de mesure s’étendre au nom d’un principe budgétaire très partial, focalisé sur les fonctionnaires et les allocataires sociaux.
Le risque est dès lors grand de voir certaines personnes âgées (et moins âgées) se détourner d’une alimentation saine et de qualité, rogner sur les loisirs (sportifs ou non sportifs), subir l’humidité stagnante par souci d’économie énergétique. Et, de nouveau, la fameuse dette publique menace bien d’être aggravée, en raison d’une santé collective, psychologique et économique mise à mal, par ceux qui prétendent combler cette même dette. En effet, produire une précarité organisée – en commençant par attaquer le statut de la fonction publique – est le meilleur moyen de voir croître un ensemble de dépenses à charge de l’État qui posera les dernières rustines, en tant qu’État social cette fois, si les libéraux-autoritaires lui laissent toutefois quelque marge de manœuvre.
Le passé des luttes sociales, contrairement à la santé vaticane, a un avenir radieux.
[1] Voir la série « Il faut augmenter les salaires » de Pierre Vermeire sur Matribune.be.
