Vieillir, une simple question d’âge? Pas selon le Bureau fédéral du Plan qui, dans ses projections économiques, intègre depuis 2022 le critère d’ « âge prospectif » en classant la population en fonction des années lui restant à vivre…
Ce concept d’âge prospectif a été introduit en 2005 par W.C. Sanderson et S. Scherbov dans un article de la revue « Nature ». Pour ces auteurs, on ne peut pas, à travers le temps, comparer des individus en fonction de leur âge.
L’âge ou ce qui reste à vivre ?
Ainsi, avoir 67 ans en 1910 n’est pas la même chose que de les avoir en 2021. Partant de ce constat, ils proposent une mesure alternative du vieillissement de la population qui compare les individus en fonction des années restant à vivre.
Ce n’est donc plus les années déjà vécues (il a 67 ans) qui rentrent en ligne de compte mais celles qui restent à vivre (il lui reste 18 ans).
Au départ de cette réflexion, le Bureau fédéral du Plan (BFP) rappelle que la part des individus de « plus de 67 ans » passerait de 17 % en 2019 à 24 % en 2070. En 2019, poursuit le Bureau, le nombre moyen d’années restant à vivre pour une personne de 67 ans est de 18 ans. Or, si l’on tient compte le « l’âge prospectif », la part des individus ayant un nombre d’année restant à vivre inférieur à 18 ans passerait, selon les projections, de 17 % en 2019 à 18 % en 2070.
Quelle espérance de vie ?
S’il est clair que le BFP propose « l’âge prospectif » comme un indicateur complémentaire et qu’il précise que « quand il s’agit d’évaluer l’impact du vieillissement de la population sur le coût des pensions, se baser (…) sur l’âge légal de départ à la retraite semble avoir tout son sens[1] » il faut toutefois se montrer très prudent.
Et cela pour au moins deux raisons.
Premièrement, le recours à « l’âge prospectif » pourrait offrir un vernis scientifique à ceux qui aujourd’hui proposent de relever l’âge légal de départ à la pension sous prétexte de l’allongement de l’espérance de vie moyenne.
Deuxièmement, il convient de garder à l’esprit que lorsque l’on parle d’espérance de vie, les analyses se fondent sur des moyennes. Or, l’espérance de vie (et qui plus est l’espérance de vie en bonne santé) dépend fortement de critères socio-économiques et révèle des inégalités importantes.
Se méfier des moyennes
Il faut dès lors se méfier du recours à « la moyenne », car cet outil statistique peut passer sous silence de fortes disparités au sein de la population.
Ainsi, si dans un groupe de 10 personnes, 9 possèdent chacune un euro et que la dixième en possède un million, la moyenne nous apprendra que la richesse moyenne des individus composant ce groupe est d’un peu plus de 100 000 euros. On est loin du compte !
De plus, l’usage de la moyenne au niveau national peut cacher des divergences au niveau régional. Ainsi, comme le souligne l’IWEPS, « L’espérance de vie à la naissance en Wallonie reste en deçà de la moyenne belge. La différence entre la Belgique et la Wallonie, dans les dernières tables de 2019, est de 1,2 an pour les femmes et de 1,9 an pour les hommes. Cet écart entre la Wallonie et la Belgique a augmenté légèrement depuis la fin des années 1990, pour se stabiliser ces dernières années [2] » (IWEPS 1/12/2020).
Plus que jamais, il importe de rester attentif et de rappeler que lors de son Congrès de 2012, l’IRW-CGSP dénonçait : « le discours alarmiste sur l’avenir de nos pensions par répartition. La question des pensions, comme celle de la création des services publics, est une question sociale et politique et pas un problème économique ».
[1] https://www.plan.be/press/factsheet-2028-fr-fact_sheet_004_et_si_le_vieillissement_m_etait_compte_autrement_
[2] https://www.iweps.be/indicateur-statistique/esperance-de-vie-et-mortalite/#:~:text=L’esp%C3%A9rance%20de%20vie%20%C3%A0%20la%20naissance%20en%20Wallonie%20reste,9%20an%20pour%20les%20hommes.
Article publié dans Tribune en mars 2021, édité pour MaTribune.be en novembre 2024.