Le gouvernement MR-Les Engagés fait de la « simplification administrative » un pilier de sa politique. Avec à la manœuvre une ministre de la Simplification administrative à double casquette en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles, la libérale Jacqueline Galant. Mais derrière cette formule anodine se cache une réalité plus dure : réduction des services publics, conditions de travail durcies, logique managériale importée du privé. L’outil en ligne simplifions.be, lancé à la fin de l’année dernière pour recueillir les plaintes citoyennes contre les démarches administratives jugées « absurdes », invitait chacun à devenir le dénonciateur de l’administration – et donc, indirectement, des fonctionnaires.
Une formule creuse mais idéologique
En analyse du discours, la « formule » est un mot ou groupe de mots répété, dont le sens flou sert à imposer une idée sans débat. Comme « transition énergétique » ou « révolution citoyenne », « simplification administrative » semble aller de soi mais reste indéfinie. Elle fonctionne à la fois comme une évidence et comme un écran idéologique : que signifie-t-elle concrètement ? Réduction de services ? Licenciements ? Digitalisation ? Rien n’est clair, mais tout semble justifié.
La Déclaration de politique communautaire (DPC) emploie le mot « simplification » 34 fois ; la Déclaration de politique régionale (DPR), un peu plus, 47 fois. Toujours associé à des termes comme « procédures » ou « démarches », il se joint à d’autres noms ou adjectifs pour créer des formules figées, jamais discutées. Peut-on imaginer une « complexification administrative utile » ? Non : le terme est clos, dogmatique, mais paradoxalement sans substance précise. Il masque la suppression de postes (la fameuse « rationalisation »), la mise sous pression du personnel, et le passage d’une logique de service et de service public à une logique de performance, voire de rentabilité.
Son association à l’adjectif « administrative » pour former « simplification administrative » est l’une des plus fréquente et marque une obsession d’un discours souhaitant diminuer drastiquement l’intervention publique.
Dénoncer son administration… donc ses fonctionnaires
Le site simplifions.be (à présent clôturé), avec son slogan « pour un choc de simplification », a incarné cette idéologie : valorisant l’indignation individuelle contre « l’administration », sans jamais nommer les personnes qui y travaillent. L’administration est ainsi réduite à une abstraction inefficace, à corriger par des « citoyens-consommateurs ».
Le lexique de la DPC confirme cette approche : « administration moderne, efficiente, harmonisée et attractive ». Ces adjectifs flattent l’imaginaire libéral (efficacité, dynamisme, séduction) tout en évacuant le fond du débat : quel service public veut-on ? Le discours joue sur la confusion entre innovation et rentabilité, entre modernité et dérégulation. Le passé est présenté comme archaïque, le futur comme performant – et entre les deux, le fonctionnaire devient un obstacle à « moderniser ». Comme son statut, qui devient finalement un contrat comme les autres, sur le modèle du privé.
Simplifier et moderniser pour mieux licencier
Un extrait de la DPC révèle clairement cette violence implicite : les fonctionnaires « en inadéquation avec leur poste » seront réorientés ou licenciés. Évaluations permanentes, performances exigées, management responsabilisé : on retrouve tous les codes de l’entreprise privée. Le fonctionnaire est vu comme une machine devant « fonctionner » – sinon, on le remplace.
Le discours du gouvernement cherche à faire croire à une simplification alors qu’il met en place une structure plus rigide, bureaucratique et autoritaire. L’évaluation, la hiérarchie, la pression au rendement, la surveillance : tout y est. Sous couvert d’efficacité, c’est une administration transformée en entreprise, au service d’une idéologie libérale et managériale.