A part ça… Monsieur Tout sur Tout

A part ça… Monsieur Tout sur Tout

En plus d’être compétent en tout ce qui nous concerne, Georges-Louis Bouchez est aussi un immense juriste.

À mon avis, il n’est pas bien. Une indigestion ? Un gros rhume ? Ou même une petite chute de tension ? Je dis ça parce que d’habitude, Georges-Louis sait absolument tout. Sur tout. Tout de suite. Et avec une absolue certitude qui force l’admiration. Tu ne sais pas ? Tu demandes à Georges-Louis. Et, jusqu’ici, je l’avais toujours trouvé très en forme, ces derniers temps. Bien évidemment, on l’a déjà dit, il sait tout concernant les trucs de base : ce qu’est la valeur travail (qu’il n’a que très, très peu pratiqué hors politique), il sait ce qu’est une maladie de longue durée et comment la diagnostiquer mieux que les médecins, il sait ce qu’est une petite pension, etc, etc…

Mais ces derniers temps, il savait aussi des tas d’autres choses. Comment on réalise un film pour décrocher une Palme d’Or à Cannes, et ceci beaucoup mieux que ces klettes de Frères Dardenne. Il savait aussi comment être bien avec un pays comme le Maroc. D’abord en allant y faire la teuf avec ses amis animateurs d’RTL. Puis, dans un étourdissant triple-Lutz de diplomatie parallèle, en promettant à des ministres locaux que la Belgique allait bientôt reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Allez, cadeau du grand Georges-Louis, ministre-bis des Affaires étrangères !

Excellent sportif qui sait presque passer son zizi au-dessus de la barre, GLB sait bien sûr aussi comment on préside un tout grand club de foot comme les Francs Borains. Et surtout comment on le finance : avec le sponsoring des paris sportifs, malgré les addictions au jeu de hasard que son parti prétend combattre. En grand passionné du vroum-vroum, il sait bien sûr également comment diriger et surtout qui doit être le futur président du Circuit de Spa-Francorchamps : lui. Sauf que, petit souci, Georges-Louis est député fédéral. Et le décret wallon de bonne gouvernance (adopté après l’affaire Publifin) interdit de cumuler un mandat à la Chambre avec la présidence d’une intercommunale. Comment surmonter ce contretemps ? En tentant de modifier la loi, pardi. Juste pour lui. Ou alors en essayant de la contourner. Ce qui n’est pas gagné.

Même jeudi soir, au débat à la RTBF, il nous a encore fait du grand « Tout sur Tout ». Sur le jardinage et la qualité des sols, cette fois. « Est-ce que vous savez qu’en Wallonie, dit-il à Thomas Gadisseux, on a créé un subside pour que vous puissiez analyser la terre de votre jardin si vous voulez y faire pousser des tomates. » Absurde, n’est-ce pas, que les autorités publiques aident le citoyen à s’assurer que son sol ne soit pas ultra-pollué ? Pile le lendemain matin (le lendemain !), le ministre wallon de la Santé demandait aux citoyens de 13 villages de ne plus consommer les légumes de leur potager ou les œufs de leurs poules, possiblement empoisonnés aux Pfas. Et Yves Coppieters, je pense, est un peu épidémiologiste, lui. Lors du même débat, le Toutologue de Mons-Borinage savait bien sûr aussi comment il fallait réagir au drame du parc de Ganshoren, où le petit Fabian, 11 ans, avait été écrasé sous les roues d’un SUV de la police. Trois jours après les faits, GLB retenait de ce drame le « police bashing » fomenté par « la gauche ». Là, j’ai dû retenir un accès de gerbe au fond de la gorge.

C’est juste après dans la discussion que j’ai commencé à le trouver un rien patraque. Quand on a causé Gaza. Là, je ne sais pas, on a perçu comme une faiblesse. Un accès assez préoccupant d’ignorance. Attention, rare : Georges-Louis Bouchez ne « sait pas » si Israël commet un génocide. Comment ?! GLB ne pas savoir ?! Oui. Face au déluge d’images et de faits abjects en provenance de la bande de Gaza, voici qu’il sort le numéro de celui qui a fait des études de droit. Je suis juriste, moi Monsieur ! Et pour un immense juriste comme lui, seule une cour de justice internationale peut qualifier de « génocide » les actes commandités par le gouvernement israélien et perpétrés par son armée. Et c’est vrai : c’est ce que prévoit la Convention de 1948. À Gaza, Israël coche absolument toutes les cases du « crime de génocide », mais seule une juridiction internationale peut statuer en ayant prouvé une « intention » de détruire, en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Donc voilà, tout arrive : GLB se range humblement derrière le droit international.

Mais ! Mais notre très grand juriste oublie de signaler un détail de taille : politiquement, les États peuvent également reconnaître un génocide. Ils peuvent se prononcer individuellement en interprétant librement la Convention de 1948 sur les « crimes de génocide ». Pour ce faire, leurs parlements nationaux peuvent même interroger les historiens, les ONG, les témoins, les journalistes, et ainsi se documenter en vue de confirmer ou infirmer l’intention génocidaire d’un État. Donc la Belgique peut reconnaître que ce qui se produit à Gaza est un génocide. Par exemple via le vote d’une résolution à la Chambre. Symboliquement, puisque cet acte n’acquière aucune une valeur juridique contraignante à l’international. Mais elle peut le faire.

Mais ça, ça n’ira pas. Dans un feu d’artifice de simplisme bouchezien, Georges-Louis avait déjà statué pour tout le monde voici quelques semaines : non, il n’y a absolument pas de génocide puisque… les Palestiniens sont plus nombreux aujourd’hui qu’avant la guerre (de 1940). Jouer les humbles juristes, oui. Mais se dédire, ça non. Ce serait humiliant. Et si bassement humain. Rassurons-nous sur son état de forme : ce petit coup de mou dans son égotisme n’aura été que passager. Hier, Georges-Louis s’est fort bien repris à propos du bateau humanitaire Madleen, intercepté – illégalement – par la marine israélienne : « C’est du show. Je crois qu’ils avaient assez de farine pour faire des crêpes à une kermesse scolaire. Que cela soit Greta Thunberg ou Rima Hassan, elles ont fait des vlogs et des stories comme si c’était ″La Croisière s’amuse″. Je trouve même que cela fait du tort à la cause ».  Peut-être même qu’il est allé lui-même vérifier ça sur le bateau. Sûrement, même.

Vincent Peiffer
Chroniqueur MaTribune.be |  Plus de publications

Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…

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