Discours d’Adrien Dolimont sur l’état de la Wallonie
Trente fois ! Le 16 avril 2025, lors de son discours sur l’état de la Wallonie[1], Adrien Dolimont l’a prononcé plus de 30 fois, son mot clé : « Osons ». Osons changer, osons agir, osons faire autrement. Le Ministre-Président de la Wallonie voulait marquer une « rupture avec les pratiques passées ». En réalité ? Comme les politiques appliquées depuis 9 mois par le gouvernement MR-Engagés, ce discours de droite n’a rien, mais rien de novateur : mêmes vieilles recettes libérales, mêmes politiques d’austérité, mêmes amalgames, mêmes contradictions, et mêmes slogans creux.
Osons faire autrement… en faisant la même chose
« Les politiques ont une responsabilité dans la situation que nous vivons parce que nous n’avons pas osé changer les choses, les faire évoluer. Albert Einstein illustre très bien d’ailleurs ce propos en une phrase : « Il serait fou de refaire toujours la même chose et de s’attendre à des résultats différents. » »
Sérieusement ?
Alors qu’il a été démontré à de multiples reprises que l’austérité, à savoir la réduction des dépenses publiques, provoque un effet récessif et, au final, aggrave les déficits et la dette, le gouvernement décide donc, au nom de la diminution de la dette, d’appliquer l’austérité en coupant dans les dépenses et les investissements publics[2].
Par ailleurs, lors de son premier exercice budgétaire, en octobre 2024, le gouvernement a concrétisé cette austérité en appliquant la même vieille technique de la râpe à fromage, à savoir grappiller dans un maximum de lignes budgétaires, moins 5 % par-ci, moins 10 % par-là, sans réelle perspective ou réflexion stratégique.
Mais ce n’est pas grave, osons faire la même chose et attendons-nous à des résultats différents, le tout en citant Einstein …
Assumer ses responsabilités… en mettant tout sur le dos de la Gauche
« Maintenant que le cadre est posé, voici quelques chiffres que je voulais partager avec vous. Le premier, c’est « 40 ». Depuis la création de la Région wallonne en 1981, nous avons eu 40 ans de gouvernements de gauche. »
Sérieusement ?
Monsieur Dolimont tente donc d’exonérer son parti de toute responsabilité dans la situation de la Wallonie, alors qu’il faisait partie des deux derniers gouvernements (2017-2019 et 2019-2024) et qu’il avait dans son portefeuille le budget et la politique économique ces huit dernières années. Sans oublier que les Engagés ont participé à tous les exécutifs wallons sauf deux (2019-2024 et 1999-2004) et que le MR a fait partie de 9 exécutifs sur les 19 au total.
Mais c’est donc par ce premier chiffre, qu’il propose d’oser : « La nuance et les débats apaisés plutôt que la division. Osons l’intelligence collective, le dialogue et l’action. »
Se fixer des objectifs réalistes, maîtrisés et budgétés ?
« L’habitude a trop souvent été de se fixer des objectifs irréalistes, non maîtrisés et non budgétés face aux nombreux défis wallons. »
Des objectifs réalistes ?
Rappelons queles objectifs budgétaires de ce gouvernement sont : diminuer fortement les dépenses publiques ; diminuer fortement les recettes ; revenir à l’équilibre budgétaire en 2029. Le tout, en : évitant l’austérité ; n’appliquant aucune nouvelle taxe ; améliorant la qualité des services publics et le bien-être des citoyens ; favorisant la croissance économique ; développant de nouvelles politiques ; garantissant la transition écologique et numérique… Pas besoin d’avoir une maîtrise en économie pour comprendre que cette équation est une illusion totale et que la combinaison de ces objectifs est irréaliste.
Des objectifs maitrisés et budgétés ?
Alors que les niveaux de déficits et la trajectoire budgétaire sont fixés quasiment à l’euro près jusqu’en 2029, neuf mois après la mise en place du gouvernement, toujours aucun détail n’est fourni sur la manière de respecter la trajectoire budgétaire gouvernementale. Sans parler des conséquences financières très lourdes des politiques fédérales sur les finances wallonnes, notamment en matière d’exclusion du chômage.
Mettre l’intérêt général au-dessus, et reconnaitre ses erreurs ?
« Nous devons agir avec transparence, reconnaître nos erreurs quand elles existent, et toujours placer l’intérêt général au-dessus des intérêts partisans. »
Vraiment ?
Prenons l’exemple de la réforme des droits d’enregistrements. L’objectif officiel avancé par le gouvernement était de « rendre de l’oxygène aux classes moyennes et populaires, à travers une simplification administrative et un allégement fiscal[3] ». Mais la réalité est tout autre. En plus de faire perdre des centaines de millions d’euros au budget de la Région wallonne qui en a bien besoin, cette mesure ne va profiter qu’à ceux qui sont en capacité d’acquérir des biens immobiliers conséquents, soit les plus riches, tandis que la grande majorité des citoyens va y perdre au bout du compte[4]. Ce n’est pas ce qui s’appelle mettre l’intérêt général au-dessus…
Ce constat est d’autant plus vrai que ce qui était craint avec cette réforme est déjà en train de se réaliser, à savoir une augmentation des prix de l’immobilier, qui rend encore plus inefficace cette réforme injuste. En effet, le prix moyen d’une maison en Wallonie a augmenté de 17,8 % au premier trimestre 2025, contre 7,8% à l’échelle nationale[5]. On attend avec impatience que le gouvernement reconnaisse son erreur …
Pas de promesses creuses, de l’exemplarité…
« Nous devons d’abord réhabiliter la parole politique, non pas par des promesses creuses, mais par des engagements tenus et des résultats visibles. Il n’y a pas de confiance sans cohérence, pas de légitimité sans exemplarité. »
Qu’en est-il alors de la promesse non-tenue de la réduction de 10 % des effectifs des cabinets ministériels wallons[6] ?
Combattre l’extrême droite… en adoptant son discours et ses idées…
« Un autre défi de taille me préoccupe. Je suis certain qu’il en inquiète plus d’un parmi vous : la montée des extrêmes, qu’elles soient religieuses, politiques, idéologiques ou sociétales. Ces extrêmes n’ont pas leur place en Wallonie. À Bruxelles, il y a quelques mois à peine, un attentat d’extrême droite a été évité de justesse. Au nord du pays, un électeur sur quatre vote pour un parti d’extrême droite. »
Sérieusement ?
Le MR est donc inquiet de la montée de l’extrême droite dans notre pays et Région ? Et que fait-il pour contrer cette menace, bien réelle ? Il accueille des anciens militants d’extrême droite au sein de son parti et il se tait face aux propos racistes et xénophobes de son Président et de ses Ministres. Ne citons pas les outrances régulières de Monsieur Bouchez. Rappelons simplement ici les propos racistes de Pierre-Yves Jeholet, actuel Ministre de l’économie, envers le député Nabil Boukili : « Ne venez pas nous donner des leçons ici en Belgique. Si ça ne vous plaît pas, vous n’êtes pas obligé de rester en Belgique[7] ».
À ce niveau oui, c’est vrai, le MR ose changer, vers le pire, et pour nous amener le pire.
Terminons par une perle : osons dire n’importe quoi
« Parler de travail, c’est aussi parler de pouvoir d’achat parce que travailler doit permettre de vivre dignement, pas seulement de survivre. C’est la raison pour laquelle nous avons fait une réforme des droits d’enregistrement qui permet l’accès à la propriété. Être propriétaire, c’est le premier filet de sécurité face à la pauvreté. »
Répétons : travailler doit permettre de vivre dignement, c’est pourquoi le MR fait une réforme qui n’a rien à voir avec le travail… sans parler du fait que cette réforme des droits d’enregistrements ne va en rien améliorer le pouvoir d’achat de l’immense majorité des travailleurs, au contraire.
Osons proposer une autre déclaration pour le prochain discours du Ministre-Président : lutter contre le changement climatique est fondamental, c’est pourquoi nous avons généralisé le travail de nuit et du dimanche, parce le travail doit s’adapter aux réalités modernes…
[1] https://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2024_2025/CRA/cra15.pdf
[2] Lire notamment Analyse critique du budget wallon (partie 1/3) : Un budget d’austérité », MaTribune.be, 20 février 2025.
[3] Déclaration de politique régionale, 11 juillet 2024 ; https://www.wallonie.be/fr/media/47.
[4] « Réduction des droits d’enregistrement en Wallonie : Une réforme antisociale, inefficace et coûteuse », MaTribune.be, 6 mars 2025.
[5] « Le prix des maisons a augmenté de 7,8% au premier trimestre en Belgique », L’Écho, 17 avril 2025.
[6] « Cabinets ministériels réduits de 10 % en Wallonie : la promesse non tenue », Le Soir, 11 mars 2025.
[7] « Et la campagne tomba bien bas », RTBF, 3 juin 2024
