
5 % du PIB pour notre armée : Trump est content, le patron de l’Otan est ravi, et Theo Francken aussi. Que des bonnes nouvelles !
À La Haye, la Belgique s’est donc « engagée » à dépenser 5 % de son PIB dans la défense. 5 % de notre produit intérieur brut qui feront dans les 32 milliards. Par an ! Les 32 pays de l’Otan ont fait de même, sauf l’Espagne. Pour ne pas gâcher nos vacances, je voudrais ici relever toutes les excellentes nouvelles que cet accord « historique » recèle. Vous allez voir, il y en a tout plein.
D’abord, en la personne du secrétaire général de l’Otan, nous avons là un nouveau grand virtuose de la turlute verbale. L’ode de Mark Rutte à Donald Trump était à ce point baveuse qu’elle en était burlesque. Du Louis de Funès. On se souviendra longtemps des courbettes à plat ventre du libéral néerlandais face à celui qu’il appelle « Daddy ». Et de ses mots dégoulinants : « Cher Donald, vous vous dirigez vers un nouveau grand succès ce soir à La Haye. (…) Vous accomplirez quelque chose qu’aucun président américain n’a accompli depuis des décennies. » Et de saluer aussi le grand Dodo pour son « action décisive en Iran, qui a été véritablement extraordinaire, et que personne d’autre n’a osé entreprendre. » La prochaine fois, promis, Mark Rutte lui dira du Brel : « Laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre, l’ombre de ta main, l’ombre de ton chien. »
L’autre belle découverte, c’est que Georges-Louis Bouchez sait se taire. Et se renier, aussi. Avant le sommet de l’Otan, souvenons-nous que GLB avait qualifié ces 5 % du PIB consacrés à l’armée d’« hystérie collective ». Et puis là, depuis que Bart De Wever a docilement signé l’accord de La Haye, GlouB nous fait un silence radio absolu et un superbe reniement. Position de la carpette.
Autre rassurante nouvelle de ce sommet : ces 5 % du PIB ne correspondent à rien de précis. Personne ne sait exactement d’où ils viennent. Si ce n’est que Trump les a sucés de son petit doigt boudiné. Comme ça, à pouf. Un peu comme il annonce ses pourcentages de taxes douanières, avant de se raviser et de jouer au yoyo. Même que les États-Unis ne contribueront pas à hauteur de 5 % de leur PIB, eux. C’est dire s’ils sont aléatoires. D’ailleurs ces 5 % ne sont pas vraiment 5 %. Il s’agirait plutôt de 3,5 % du PIB consacrés directement à des « dépenses » militaires et de 1,5 % dédiés à la « sécurité » et à de l’« infrastructure ». Quelles dépenses ? Quelles infrastructures ? Tout ça a été évalué, coordonné, et chiffré ? Ah non. Pas encore…
En revanche, on sait assez précisément à combien de pépettes correspondent ces 5 % du PIB pour la Belgique. Et donc ce que nous, braves citoyens contribuables, devrons sortir chaque année pour le confier aux bons soins de Mark Rutte : 32 milliards. Je répète : 32 milliards d’euros par an ! Donc 6.000 euros par ménage par an. Et là, je suis tout en foufette de pouvoir vous annoncer la meilleure des best-top-nouvelles : on les a, ces 32 milliards de patates ! Et les doigts dans le nez. Enfin, potentiellement. C’est même assez amusant : 32 milliards, c’est grosso modo l’équivalent du montant annuel qui ne rentre pas dans les caisses de l’État à cause de la grande fraude fiscale. Donc voilà, Bart, Maxime, Conner, Georges-Louis et les autres, vous savez où aller les chercher. Il faut juste le vouloir. Et enfin traquer les méga-fraudeurs.
Si, par un vilain coup du sort, l’Arizona se voyait empêchée d’embêter nos riches fraudeurs, j’ai encore une good news : on n’a pas ces 32 milliards. Et on ne les aura jamais. Pour une simple raison : 32 milliards par an, c’est plus que ce que la Belgique met aujourd’hui dans la justice, la police, la fonction publique, la coopération au développement et l’administration fiscale. Ou alors on ferme le pays. Ou on le vend à Trump pour en faire une riviera. Et donc ? On ne l’appliquera jamais, cet engagement à 5 %. Pour une autre simple raison : il est impossible à tenir. Le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez, a refusé de dépasser les 2,1 % de son PIB pour ne pas exploser son pays. On fera donc comme l’Espagne, mais on ne le dit pas trop (émoji gros clin d’œil).
Et ce n’est pas tout, question plaisantes nouvelles : l’Europe des 27 dépense déjà actuellement près de 3 fois plus que ce que la Russie de Poutine consacre à son armement. Donc amplement de quoi calmer les accès va-t-en-guerre de Vladimir le Conquérant. Sauf qu’on gaspille. On saupoudre. On disperse nos budgets militaires dans une effarante gabegie de 27 armées nationales, avec quasiment zéro coordination dans l’armement. L’Europe militaire d’aujourd’hui, ce sont 17 modèles de chars de combat différents. Ou 29 types de frégates navales. Ou 20 modèles d’avions de chasse. Si les États européens se décidaient à lâcher leur petit pré-carré militaire nationaliste pour enfin construire une défense européenne intégrée, Poutine resterait tranquillement dans sa datcha. Et mieux : pour sa protection, l’Europe n’aurait plus besoin de « Daddy », de ses diktats, de ses humeurs, de ses chantages et de ses ventes forcées d’armement made in USA. Donc voilà, y’a plus qu’à.
En attendant, on gagne du temps. Tout le monde fait risette à Donald en faisant semblant d’assumer l’engagement des 5 % qui sera impossible à tenir. Ce qui nous fait un garçon content : Theo Francken, qui peut jouer à ministre de la Guerre. Pour l’instant, le toujours ministre de la Défense peut se rendre au salon du Bourget et dans d’autres grandes foires militaires, en imaginant qu’un jour il viendra y faire ses emplettes. Il peut aussi rêver d’acheter 21 chasseurs F-35 de plus, qui eux aussi seront cloués au sol au moindre caprice de Trump. Mais c’est bien. Ça l’occupe.

Vincent Peiffer
Après 40 ans au Moustique, Vincent rejoint l’équipe de MaTribune.be pour mettre son grain de sel dans notre si beau monde. Où, à part ça, tout va bien…